Quand on est descendus.... Arthur et Charly Darbellay

|||

 

 

Synopsis

 

 

Une famille, c’est toujours une aventure, quels que soient sa taille, son lieu de vie, ses croyances, ses activités, ses amis…Mais lorsqu’il y naît plus d’une bonne douzaine d’enfants, (plus précisément, onze plus, cerises sur le gâteau, des jumeaux…faites le calcul !) et que l’on décide d’embarquer tout ce petit monde vers une destination presque inconnue, pour seul motif de gagner décemment son pain, le voyage devient une expédition digne des grands exodes d’antan.

 

« Quand on est descendus… » relate l’épopée mouvementée de la famille de Joseph et Céline Darbellay qui, pour donner une chance à chacun de ses nombreux jeunes, n’hésitent pas à laisser leur vie d’avant, en montagne, pour tenter leur chance en plaine. Leur « Amérique » fut donc Charrat. Des moments intenses, certains heureux, d’autres tristes ou dramatiques, d’autres encore, épiques et drôles. La vie…quoi ! En parcourant le récit des Darbellay, je ne puis m’empêcher de penser à d’autres familles du Valais, tout aussi nombreuses, à d’autres événements si ressemblants, dans nos vallées, durant mon enfance. Il serait bon que nos jeunes puissent, de temps en temps, prendre connaissance de certains faits de cette époque, si éloignée de la facilité quotidienne. « Mais personne ne regrette ce temps » nous dit Monsieur Couchepin, dans sa préface. Cependant, les Darbellay n’ont jamais fait dans le genre : « C’était mieux avant ». Comme je les comprends !

Recension: Marylène Rittiner.

 

 

 

 

 

Extrait, page 19-21

 

 

La descente à Charrat

 


Le 5 mars 1947, Thérèse fait un dernier tour et jette un dernier coup d'oeil dans la maison de Chandonne, maintenant complètement vide. Elle tourne une dernière fois la clé dans la serrure de la grande porte d'entrée. C'est le coeur gros qu'elle quitte cette maison qui l'a vue naître et qui l'a vue grandir au milieu de ses frères et soeurs. C'est dans une atmosphère de deuil que tous les voisins viennent dire adieu à ceux qui partent vers l'inconnu. Tout le monde se prend dans les bras et pleure. Une page se tourne et l'on s'interroge, de quoi demain sera-t-il fait, là-bas dans la plaine?

Thérèse, accompagnée des petits, descend en luge jusqu'à Orsières; c'est une immense luge, format familial, fabriquée par un artisan du coin. A Orsières, nous prenons le train. Changement de quai à Martigny et arrivée à la gare de Charrat. Une pluie diluvienne nous attend. Heureusement, le gentil chef de gare, M. Paul Dizerens, nous prête un parapluie. Premier geste d'accueil qui réchauffe.

Papa et maman sont descendus dans la cabine du camion qui amène les meubles. Sur le pont du camion: une table de cuisine, le lit des parents, un morbier, quelques images saintes, plusieurs matelas et plusieurs ustensiles de cuisine; pour couronner le tout, la table du salon, à la renverse lève son pied vers le ciel. Voyant ce chargement insolite, le chauffeur du camion s'écrie: "Voilà un voyage de diable", expression qui, prise au premier degré, ne manque pas d'impressionner les petits et même de leur faire un peu peur.

Gérard et Jean son descendus de Liddes à Charrat, à pied avec le troupeau.

La mule qui s'appelle Doly fait de la résistance. A son arrivée au plat, elle freine des quatre sabots et refuse d'avancer. C'est sa manière à elle de protester contre son assignation en plaine. Il faut la tirer par le licol pour la faire avancer. La plaine, ce n'est pas son truc et bientôt elle retournera à la montagne, vendue à des Bagnards.

C'est donc une vraie tribu de 16 personnes, avec bétail, armes et bagages, qui débarque à Charrat sous les regards curieux des gens du lieu. Ceux-ci se demandent bien à qui ils auront affaire. Mais l'accueil des voisins est aimable et tout se passera bien. Des années plus tard, Charlotte, une voisine un peu bavarde aime à raconter ceci: "On s'attendait à voir déferler une bande de crève-la-faim (en patois "pordeï"), mais quand on a vu les fromages on a su à quoi s'en tenir!"

Les préparatifs à Chandonne ont duré plusieurs jours. Il faut ramasser les provisions: les pommes-de-terre qui avaient passé l'hiver dans le "creux", près de la cuisine, les réserves de viande et de saucisses entreposées au galetas, les pièces de fromage sorties de la cave, les choux et les choux-raves. Avec tout ça, il y a de quoi tenir un siège de plusieurs mois! Ce qui doit rassurer tante Céline, elle qui affiche une certaine angoisse face au départ vers la plaine. D'ailleurs, les mois précédant le déménagement, elle recommandait aux enfants de bien manger parce que: "On ne sait pas ce qu'on trouvera à Charrat, mes pôvres enfants!".