Une jeune femme se fait écraser par chauffard qui prend immédiatement la fuite. Quelqu’un a vu l’accident. Une enquête est donc ouverte sur les dires de ce seul témoin. Et c’est Henry Baud, commissaire à la brigade criminelle d’une agglomération de l’Arc lémanique, qui est chargé de l’affaire. Et si c’était un meurtre ? L’homme, féru de puzzles, ne lâchera rien jusqu’à la dernière pièce de l’intrigue.
Catherine Gaillard-Sarron est coutumière de la nouvelle et de la poésie, mais ici, elle flirte avec le polar. Comme à son habitude, l’auteure a la verve aisée, et la fluidité de son écriture nous entraîne naturellement dans son récit. Et même si l’intrigue est un peu facile et le dénouement quelque peu rapide, on passe un bien agréable moment. Cependant, disons-le, on aimerait rester plus longtemps aux côtés des personnages du roman. Peut-être y aura-t-il une suite, ou tout du moins une nouvelle aventure ?
Rédigé par Marylène Rittiner.
Extrait p. 74-75
Le commissaire a suivi le cortège au cimetière et a rendu les honneurs à la famille. Il y a moins de monde, à présent. La neige, si blanche, hier, n’est plus qu’une boue noirâtre sous les chaussures et les bottes qui piétinent dans le froid. De l’endroit où il se tient, Henry n’entend pas les paroles du curé, mais sa voix lui parvient, fatiguée et monocorde. Le commissaire observe avec attention les personnes attroupées autour de la tombe fraîchement creusée. Son attention se porte sur les parents, perdus dans leur chagrin indicible, puis sur le jeune homme aux yeux rougis qui vacille aux côtés de la mère. Sûrement Maxime Fréjus. Il faudra qu’il l’interroge, lui aussi. Plusieurs enfants, les élèves d’Agnès Denver, probablement, jettent des fleurs sur le cercueil. Une toute jeune fille se met à pleurer et son père, très digne, la serre contre lui. Une femme vêtue d’un tchador est à leurs côtés. Les Machari, à l’évidence. De nombreux enseignants se sont également déplacés, le directeur, peut-être, dans cet homme au costume bien taillé. Il reconnaît la fille de la photo, Moneta Rodrigues, en retrait et l’air sombre. Son regard s’appesantit sur Anny Belmont, diaphane dans son long manteau noir. Elle lève soudain la tête et Henry lui fait un petit signe de la main. Il y a aussi beaucoup d’autres personnes venues là pour soutenir la famille ou manifester, par leur présence silencieuse, leur impuissance et leur colère face à la violence aveugle. Tous en communion, venus partager, dans une sorte de catharsis, le chagrin universel de ceux qui perdent un être cher ; venus, peut-être aussi, se déculpabiliser, se rassurer, auprès de la mort, d’être encore en vie. Car si le glas a sonné pour cette jeune femme, il résonne également en chacun d’eux, les renvoyant, à travers cette mort violente, à leur propre finitude, leur rappelant brutalement la précarité et la fragilité de l’existence.
Septembre 2017