La Clé d'Argent

|||

 

La Clef d'Argent est un éditeur associatif basé à Aiglepierre, dans le Jura français, en Franche-Comté. La Clef d'Argent publie depuis 1987 de la fiction contemporaine (Jean-Pierre Andrevon, Neil Gaiman, Jonas Lenn, Gilles Bailly, Timothée Rey, Sylvie Huguet, Philippe Bastin) dans le domaine des littératures dites de l'imaginaire (fantastique, science-fiction, fantasy), traduit des auteurs anglophones (C.A. Smith, G.S. Viereck, Arthur C. Clarke) et réédite des écrivains de la fin du XIXe et du début du XXe siècle (Charles de Coynart, Théo Varlet, Gabriel de Lautrec). La Clef d'Argent propose sur son site web un catalogue de livres de papier ainsi qu'une bibliothèque virtuelle librement consultable.

Fondée en 1987 par Philippe Gindre et Philippe Dougnier, elle est ainsi baptisée en hommage à l'écrivain américain H.P. Lovecraft (1890-1937), par référence à la nouvelle «La Clef d'Argent» («The Silver Key») que ce dernier écrivit en 1926.

Un passage est consacré La Clef d'Argent dans les Mémoires de Francis Lacassin. Jean-Pierre Dionnet parle de La Clef d'Argent sur son blog.

Nous vous présentons un recueil d'Édouard Ganche Le Livre de la Mort, un recueil de contes macabres publiés en 1909 et que nous venons de rééditer sur la base d'un projet de nouvelle édition revue et augmentée datant de 1938 et que l'auteur, décédé quelques années plus tard, n'avait jamais pu mener à bien.

 

 

 

Le livre de la mort (Edouard Ganche), présentation

 

 


Édouard Ganche (1880-1945), fils d'un médecin de campagne, fut confronté dès son plus jeune âge à la souffrance d'autrui, à la déchéance physique et à la mort. Le décès prématuré de ce père dont il espérait suivre les traces le marqua profondément. Il n'avait alors que 12 ans. L'indignation résignée que lui inspira le lot commun de l'humanité culmina sur le plan littéraire avec Le Livre de la Mort qu'il fit paraître en 1909. Empruntant à l'école décadente ses thèmes et son style, il s'attacha à y brosser de façon poignante un panorama complet et accablant des manifestations de la mort, sous ses aspects les plus anodins comme les plus repoussants. Après des études de médecine interrompues pour raisons de santé, Édouard Ganche se consacra pleinement à sa seconde passion, la musique, et devint le biographe et le musicographe de Frédéric Chopin, acquérant dans ce domaine une réputation internationale.

Quelque temps avant d'être emporté à son tour par la mort, Édouard Ganche révisa et compléta ce recueil dont il ambitionnait de faire paraître une édition définitive. Celle qu'il appelait la Triomphatrice éternelle ne lui en laissa pas le temps. Voici enfin réédité, selon les voeux de son auteur, ce livre culte encensé par plusieurs générations de bibliophiles.
 

 


Extrait de l'ouvrage

 


Les reflets louches de la lumière artigicielle éclairaient ombreusement les êtres et les choses. Dans le clair-obscur éloigné, les agglomérations des cadavres prenaient des formes monstrueuses.

Tous les déjettements des membres roidis dans les gestes épars des agonies solitaires étaient représentés. Des jambes écartées, des mains crochues, des doigts ouverts comme des serres de rapaces, des corps boufgis avec des ventres bedonnants pareils à des outres pleines, et d’autres, étiques, montrant les apophyses des os, les thorax cerclés par les côtes décharnées, les bassins creux surplombés par les iliaques, le flasque écroulement des parties sexuelles, la ruine des seins aplatis et taponnés, les pieds resserrés et droits avec leur courbe bandant la peau et leurs orteils dressés ou gauchis. Têtes et pieds, extrémités également terrigiantes chez un mort.

Quelques faces aux yeux clos par la main d’un vivant charitable, offraient la paisible apparence du sommeil. La plupart représentaient les si diverses contorsions qu’aucun génie humain ne pourrait inventer ou reproduire exactement et que la Mort a uniquement la puissance de composer. Sous les tignasses entortillées, crépues, ébouriffées, excessives ou insignigiantes, peignées ou incultes, lustrées en plates-bandes ou hérissées en crinières, sous les crânes changés en boule par la calvitie ridicule, les globes oculaires étaient sertis des paupières excavées. Mèches éteintes du flambeau vital, billes molles enfoncées dans les orbites où se nichait l’épouvante.

Il y avait d’énormes yeux révulsés, tordus, retournés, des yeux de terreurs, de furies assassines, des yeux hallucinés, mornes ou affreusement stupégiés. Ils étaient vitreux avec des nuances mêlées et floues. Quelques-uns se liquégiaient et la pourriture y mettait des reluisances et de l’animation. Certains étaient mi-clos, sournois et guetteurs. Les plissures de la peau aux tempes les tiraient de travers, les affectaient de strabisme. D’autres se rabougrissaient, s’enfonçaient dans la tête et ne montraient plus qu’une petite crevasse noire bordée de cils raides.

Les mâchoires bâillaient terriblement. Les lèvres rétractées découvraient des dents jaunâtres et des gencives baveuses. Des moustaches empêtrées de gilets d’une humeur visqueuse laissaient pendre leurs poils dans le gouffre de la bouche écartée où travaillaient de grosses mouches à vers, ivres de charognes. La maigreur et le desséchement augmentaient la saillie des mentons osseux, ovales, ronds, pointus ou taillés en galoche. Des maxillaires inférieurs attirés par une contracture, déviaient obliquement, distendaient un côté de la face à déchirer la peau, raccourcissaient l’autre, le ridaient et en bistournaient les muscles.

Extrait de la nouvelle d'Édouard Ganche «Le squelette», Le Livre de la Mort, La Clef d'Argent, 2012.

 


Informations

 

Adresse: La Clef d'Argent - littératures de l'imaginaire - 9 rue du Stade - 39110 Aiglepierre - France
Site : http://clefargent.free.fr/
Page Facebook : facebook.com/clefdargent
Flux rss : http://rss.groups.yahoo.com/group/clefdargentinfo/rss