Présentation
Elles sont exceptionnelles. Elles ont dû lutter, se faire accepter. Elles sont discrètes ou extravagantes, mais toutes sont des magiciennes de la terre. Josyane Chevalley les a surprises dans leur originalité, leur talent, leur humour, leur amour. La photographe Stéphania Gross Willa a saisi des instants de vie de ces femmes vigneronnes qui ont modelé de passion la terre valaisanne et l’ont imprégnée de leurs intimes qualités.
Extrait
Marie des Oiseaux (1911-1988) à Savièse, la première des vigneronnes valaisannes
Au mois de janvier 1988, quand la vigne s’est mise au repos et que le silence s’est installé sur la vallée, le ciel, qui n’est pas fou, a choisi de convier Marie des Oiseaux à la table du Seigneur. Il avait été décidé en haut lieu d’accueillir cette année-là plusieurs personnalités. Cela la tentait Marie… Partir en voyage ! Ne plus avoir mal au dos ! Retrouver des amis, s’en faire de nouveaux. Elle a fait quelques manières pour la forme. « Moi qui ne suis qu’une humble servante… » Elle faillit céder quand elle apprit l’identité des invités d’honneur : René Char, le plus grand des poètes, ce bloc de terre en quête d’une fleur et Félix Leclerc, avec ses petits bonheurs et ses souliers inondés par les pleurs des femmes. Il y aurait aussi des musiciens, des jazzmen d’Amérique, des peintres fous de lumière, quelques prêtres pour les bénédictions, des aristocrates, des vignerons, des inconnus magnifiques et quelques mécréants. Elle finit par acquiescer dans un dernier soupir quand elle comprit que Mossieur, le Docteur Wuilloud en personne, cravate lavallière et cordon de l’Ordre de la Channe en sautoir, présiderait. Vingt ans plus tard, on peut imaginer qu’ils festoient toujours.