La Décision, Catherine Gaillard-Sarron

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Comment Vincent peut-il continuer à vivre un tel enfer ? Supporter les quolibets et les rires de ses collègues. L’acharnement de son supérieur à le faire passer pour un couard, un incapable ? Pourquoi sa femme Viviane ne l’écoute-t-elle pas ? Pourquoi à l’instar de leur voisine s’évertue-t-elle à soupirer et lui reprocher de ne parler que boulot, d’être si vénale ? Puis en rentrant de son travail, alors qu’il tombe des trombes d’eau, Vincent entrevoit enfin LA solution. Il passera un week-end fabuleux, il retrouvera la complicité perdue avec son épouse, ses filles… Mais lundi matin arrivant, sera-t-il capable de mettre à exécution LA solution ? Comment Viviane et leurs deux filles le vivront-elles ?

 

Catherine Gaillard-Sarron nous relate une histoire qui peut être la nôtre sous tous les angles. Qui n’a jamais ressenti le regard sous-entendu d’un collègue ou le rire étouffé sur son passage d’une collaboratrice, sans compter ces promotions promises, mais jamais reçues ? Et nous, quelle décision aurions-nous prise, avons-nous prise ? Saurons-nous nous mettre à la place de Vincent ou serons-nous Viviane ?

 

L’auteure approche la problématique existentielle due au harcèlement, et d’une décision parfois lourde de conséquences. Elle sait aussi nous *accrocher* par son écriture et par la narration poignante d’une histoire contemporaine. Recension: Marie-Claire Siegenthaler

 

 

 

Extraits des pages 39-40, 48, 53-54

 

 

Pour faire partie du groupe, il faut donc être moyen. Ni trop bon ni trop mauvais. Il faut disparaître à soi, se fondre dans le corps social et se soumettre au chef de meute. Les règles sont simples, et le groupe exerçant un autocontrôle permanent sur ses membres, celui qui ne joue pas le jeu est automatiquement sanctionné, car il met en danger la cohésion du groupe. Vincent est devenu ce grain de sable qui les empêche de tourner en rond. Cet élément qui les empêche de se confronter les uns les autres dans leur fonctionnement pervers. Il doit être éliminé…        … Un être malfaisant qui, tel le paratonnerre conduit la foudre à la terre, a fait converger vers lui l’hostilité et l’exécration de tout le bureau, le transformant en bouc émissaire, en victime propitiatoire d’une faute dont il est justement innocent. Un mécanisme de défense interne et probablement inconscient qui a conduit son abuseur de chef à lui fait endosser ses propres responsabilités et incapacités en entraînant les autres dans sa névrose.

 

En dépit de sa belle analyse, il n’en peut plus. Aujourd’hui, il a atteint le seuil critique de ce qu’il peut supporter… Il étouffe soudain. D’un geste brusque, il actionne la commande électrique et fait descendre sa vitre, Boche ouvert, paupières fermées, il inspire à plusieurs reprises de grandes goulées d’air frais. Il a le sentiment de se noyer. La pluie gifle son visage, ses narines frémissent aux diverses senteurs ravivées par l’orage.

 

Au bout de quelques minutes, brisé, cassé, Vincent se redresse comme un automate. Dans son visage pâle, traces de sa chute étourdissante, ses pupilles sont comme deux trous noirs au centre de ses iris bleus. Il tremble encore un peu. Mais le calme est revenu en lui. Sa décision est prise. Il ne retournera pas travailler dans cette putain de boîte, lundi…   

 

 … La sonnerie de son portable le ramène soudain à la réalité. C’est un message de Vivianne. « Alors ? C’est bon ? Je sors le champagne ? »… Comment leur dire ? Comme Perrette et le pot au lait, sa femme et leurs deux filles ont déjà dépensé l’argent qu’il n’aura pas…