La petite fille dans le miroir, Marie Javet

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La petite fille dans le miroir

 

Marie Javet, roman, Edition Plaisir de Lire, 2017

 

 

Si l’on entreprend de lire cet ouvrage, alors il faut dégager du temps devant soi, car s’arracher à sa lecture va être l’un des exercices les plus difficiles à effectuer.  On est pris par les personnages, l’histoire de cette femme écrivain qui souffre depuis 20 ans de dépression dont elle, seule, connait la cause. Dépression grave qui l’a amenée en clinique psychiatrique. Ses démons la suivent partout même en Suisse, pays réputé pour sa tranquillité, sa capacité à ressourcer les âmes. Pays où même la notoriété ne vous rattrape pas. Pourtant l’héroïne se cache aux yeux du monde par un accoutrement digne des femmes saoudiennes, portant le niqab, qu’elle voit passer lorsqu’elle est attablée à la terrasse de son hôtel. Alors qu’elle travaille comme à son accoutumée, de bonne heure et à son bureau tournant le dos à la fenêtre pour ne pas être tentée à la rêverie, June,  de son pseudonyme, ayant pour seule compagne une théière d’Earl Grey qu’elle sirote d’habitude à petites doses, est attirée par une lueur blanche dans le miroir. Elle refusera d’abord de l’admettre si fort qu’elle déclenchera par sa peur une crise d’angoisse. Puis peu à peu, elle acceptera le fait qu’elle voit bien une petite fille qui la regarde attendant forcément quelque chose de cette adulte. June promettra à l’enfant de savoir qui elle est, et de trouver ce qu’il pouvait bien lui être arrivé voilà un siècle. Elle mènera enquête et en obtenant les réponses à cette énigme, elle aura enfin sa guérison. Ce terrible secret qu’elle avait enfoui en elle s’envolera lorsqu’elle affrontera ses responsabilités.  


L’auteure nous entraîne dans le monde de l’écriture, du surnaturel, du mal-être voire de la folie. Marie Javet a su jouer avec le suspens tout au long de son œuvre. Elle nous plonge dans la vie de son héroïne, tantôt adolescente, tantôt adulte et célèbre, tantôt Lizzie (diminutif d’Elizabeth), tantôt June écrivain. On tourne les pages sans se soucier du temps qui passe. On attend la suite de l’intrigue… Et soudain tout devient clair ! Mais pourquoi n’avoir pas attendu la toute dernière page pour nous révéler le pot aux roses, afin qu’on ait encore quelques miettes de ce suspens si bien tourné. Un vrai polar, où l’héroïne prend la place d’un commissaire de police, comme on les aime !
Recension: Marie-Claire Siegenthaler

 

 


Extraits des pages 43, 45, 48

 


La sonnerie de son iPhone avait réveillé June, comme chaque matin à six heures. Après son petit déjeuner habituel, elle s’était installée à son bureau, sur lequel reposait son ordinateur portable, fidèle outils de travail. Elle remaniait à présent l’histoire d’une jeune orpheline, retournée dans la région de Boston où elle était née afin d’y retrouver ses racines. Hantée par de mystérieuses visions, la jeune femme devait découvrir que ses grands-parents étaient venus d’Europe à bord du Myflower…

 


… June en était au stade où elle peaufinait les détails de son histoire. Elle avait promis le manuscrit à son éditeur pour le mois d’octobre et elle réécrivait certaines scènes, qu’elle ne jugeait pas assez convaincantes. Le contenu d’une théière refroidissait auprès d’elle, quasiment intouchée.  Elle avait ouvert la fenêtre derrière elle, et une légère brise pénétrait dans la chambre : la journée serait plus fraîche que celle de la veille. Elle préférait s’asseoir dos à la fenêtre, ainsi elle n’était pas tentée de se laisser divertir par le spectacle des montagnes ou celui des promeneurs matinaux. Au-dessus de son bureau où elle travaillait était suspendu un immense miroir, dans lequel elle aurait pu malgré tout apercevoir le spectacle extérieur en reflet, c’est pourquoi elle avait tiré les fins rideaux de tulle, pour mettre un voile opaque entre elle et le monde extérieur. Elle aurait amplement le temps de profiter de la vue l’après-midi, une fois le travail achevé…

 


Au moment où elle se releva, elle rencontra, dans le miroir, un autre regard que le sien. Elle se figea. Derrière elle, se tenait une petite fille en robe blanche, qui fixait sur elle deux grands yeux bleus et se tenait parfaitement immobile…