Tamangur
Leta Semadeni, Editions Slatkine (GE), 2018
Le rythme de ce roman rappelle que Leta Semadeni est d’abord une autrice de poèmes. Les chapitres courts se suffisent à eux-mêmes. Les deux personnages principaux ne portent ni nom, ni prénom. Il y a la grand-mère et l’enfant qui représentent des âges de la vie différents.
Il arrive que la vieille dame rie telle une petite fille, et que l’enfant réfléchisse avec l’esprit d’une grande personne que l’expérience a muri.
J’ai lu cet ouvrage comme un conte moderne sans chercher une trame ou une intrigue. Je me suis juste sentie le témoin de la vie qui s’écoule dans les sillons qu’elle trace selon sa fantaisie. Les idées parfois un peu décousues des textes laissent pleinement la place à la fraîcheur et à l’inattendu.
Recension Anne-Catherine Biner
Chapitre 1 – Extrait p 8.
Au moment où un chasseur est accueilli à Tamangur, il perd vingt et un grammes parce que son âme s’échappe du corps pour retourner là où elle habitait avant.
L’âme aime bien ses petites habitudes, dit la grand-mère, elle est forte bien qu’elle ne pèse que quelques grammes, et elle impose toujours sa volonté.
Elle peut aller partout, et quand elle veut. Avec ses vingt et un grammes, elle trouve toujours une petite place où se loger pour sortir la grand-mère de son train-train. La grand-mère se dispute avec l’âme, l’insulte : Espèce de rien du tout, pauvre petite chose ! Que faire avec une pauvre petite chose pareille ?
Chapitre 53
Quant la grand-mère l’a offert à l’enfant, ses oreilles étaient blanches comme la crème. Maintenant, le chat en peluche noir et blanc – baptisé Kasimir comme l’ami du grand-père – a l’air d’avoir enduré moult combats sans ménager ses forces. Ses oreilles sont grises et effilochées, mais l’amour de l’enfant est toujours là.
L’enfant ne s’endort toujours pas sans son Kasimir en peluche, elle ne fait pas ses devoirs et ne va pas au fleuve sans lui. Kasimir aide l’enfant à être seule et à trouver les bons chemins pour ses pensées et ses rêves. Avec Kasimir, elle se laisse subjuguer par eux sans angoisse.
Dans ses rêves, les chaussures se font la malle, le lit peut danser et s’envoler avec l’enfant, partout. Elle connaît le village vu du ciel et, quand elle revient dans le monde de la grand-mère, après de telles excursions, elle est toujours plus riche.
L’auteure
Leta Semadeni écrit des poèmes en romanche et en allemand. Ses œuvres ont été couronnées par deux prestigieux prix de littérature Suisse. Son roman « Tamangur » a été traduit en français par Barbara Fontaine.