Mon coeur dans la Montagne, Manuela Gay-Crosier

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Mon coeur dans la Montagne

 

Manuela Gray-Crosier roman, Plaisir de Lire 2018

 

En 1848 en Valais, Mathilde a une dizaine d’années lorsqu’elle assiste, impuissante, au meurtre de son père. D’ordinaire, si joyeuse et babillarde, elle s’enferme dans un profond mutisme, son terrible secret enfoui tout au fond de son cœur d’enfant. Elle pense ainsi protéger sa vie et celle des siens. Son mariage empire encore les choses et la jeune femme vit un enfer sous la coupe de son ignoble mari. Seul Edward Milton, un jeune peintre anglais à la recherche de beauté sauvage, rencontré sur l’alpage de sa région, parviendra, grâce à son amour, à pénétrer l’âme tourmentée de la jeune femme. Les amants vivront une passion interdite qui ouvrira enfin à Mathilde des perspectives d’avenir meilleur. Mais cette dernière réussira-t-elle à prolonger ce bonheur inattendu ?

 

C’est en 2015 à Salvan, que Virginie, tout juste sortie d’une prodigieuse école de tourisme, se retrouve responsable de l’exposition des œuvres de Milton. Andrew, héritier de l’artiste, la rejoint dans cet événement culturel. Et c’est ensemble qu’ils découvriront, par le biais d’un journal intime, la vie rude et particulièrement dramatique de Mathilde.

 

L’auteure, Manuela Gay-Crosier, nous emmène sur les traces d’une jeune valaisanne du XIXe siècle, à une époque où la vie paysanne est généralement très ardue. On ne fait pas les difficiles, bien souvent on prend ce qui se présente pour survivre, et on est prêt à ne rien voir, à tout supporter, pour garder le peu que l’on a, ou… parce que l’on n’a pas le choix.

 

L’écriture de Manuela Gay-Crosier est simple, mais vraie. La description des sentiments les plus profonds des personnages, attachants ou méprisables, sonne avec justesse. Tous les événements vécus par les hommes et les femmes de cette histoire, toutes leurs décisions, nous rappellent combien nous sommes parfois, tristement humains !

Recension Marylène Rittiner

 

 

 

Extrait pages 58-59 

 

 

Mathilde enregistra tous ces détails, mais sans comprendre ce qui se passait. Puis soudain un malaise s’insinua en elle, elle réalisa l’étrangeté de la situation. Quelque chose ne tournait pas rond. Elle dut faire un léger bruit de gorge, une sorte de plainte, car les deux hommes se retournèrent à l’unisson vers elle. Le regard cruel et dur que Raymond posa sur elle la cloua sur place et acheva de la conforter dans sa conviction que quelque chose de mal et de terrible était en train de se dérouler dans cette pièce. Elle lâcha le gobelet qui tomba avec un bruit sourd.  Le contenu se déversa sur le sol, laissant apparaître une large trace sombre. Elle poussa un cri aussitôt étouffé par la main ferme de Maurice plaquée contre sa bouche. Raymond avait remis la couverture à sa place et s’était approché de Mathilde.

 

- Une seule parole, une seule, et tu es morte ! Tu m’as bien compris ? Non, mieux, je veux être bien certain que tu saisisses mes paroles, petite effrontée que tu es. Tu parles de ce qui vient de se passer ici et je m’en prendrai au reste de ta famille. S’il leur arrive quoi que ce soit, ça sera de ta faute. Tu m’entends ? Tu m’entends bien ? De ta faute ! Pas un mot, pas un seul… Tu ne voudrais tout de même pas qu’il arrive un nouveau malheur à ta maman, à ton petit frère ?

 

Il la secouait rudement, tout en lui tenant fermement le bras et lui assénant ces terribles paroles qui se gravaient dans sa cervelle de petite fille en lettres de feu, tandis qu’un regard mauvais et impitoyable demeurait rivé au sien. Elle ne douta pas un instant que ce regard était celui du diable.