Roman biographique, Slatkine 2021
Depuis tout petit, River aime skier, et à l’âge de huit ans, après une course organisée par son ski-club, une irrépressible passion pour la compétition s’empare de lui. Mais pas n’importe laquelle ! Celle où l’on gagne, où l’on monte sur la plus haute marche du podium, celle où l’on devient quelqu’un, où l’on nous regarde !
Il bosse, le gamin ! Il en veut ! Mais bientôt, l’impression de laisser filer son adolescence pour ne récolter qu’amertume et douleur le rattrape. Pourtant, il continue, il s’accroche envers et contre tout, accumule sacrifice sur sacrifice…jusqu’à la fracture, physique et mentale. River est-il vraiment fait pour ce monde de rudesse, lui le citadin, le jeune homme sensible « tout fluet », « à l’allure d’un danseur étoile » ? A-t-il suffisamment de hargne pour détrôner ses adversaires ? Est-il émotionnellement assez fort face à la verve piquante et à la brutalité de certains entraîneurs ?
Dans son premier roman, Au carrefour des intentions Sven Papaux raconte sa rage sur les pistes, sa ténacité lors de ses entraînements, sa résistance à la douleur, ses privations, dans le seul but de devenir champion. Il nous livre avec une grande sincérité et une belle humilité sa descente aux enfers lorsque son corps lâche et que son âme se déchire.
Un récit bouleversant où les mots en disent long sur les profondes désillusions de Sven Papaux, et sur son écœurement du sport de haut niveau. Un cri du cœur déchirant qui dévoile l’autre côté de la médaille, mais aussi la volonté de sortir de la nuit !
Recension Marylène Rittiner
Extraits pages 55-56
Il y a comme un sentiment d’injustice qui accapare mon esprit. Pourquoi les autres et pas moi ? Pourquoi est-ce que je n’arrive pas à transformer l’essai, à voler vers ce coup d’éclat, cet éclat illusoire et empoisonné qu’est la gloire ? Une simple performance qui me révélerait au microcosme du ski alpin, est-ce trop demander ? Je veux leur taper dans l’œil ! Je veux sortir de l’ombre, je veux poursuivre et embrasser mon rêve de gloire, l’étreindre à lui en briser les côtes. Je veux m’élever au-dessus de la foule déchaînée, briller devant la planète entière, chasser les ombres de mes abîmes moraux. Je vais continuer à me battre, à malmener mon corps pour toucher du bout des doigts un rêve qui peut-être ne se réalisera jamais – une impasse qui me pèse sur les épaules.
Courir sans savoir, sans avoir la certitude de croquer à pleines dents l’objectif avoué, de le vivre et le chérir le moment venu. On nous conditionne pour travailler fort et réussir. La victoire doit circuler dans nos veines, supplanter notre sang – la compétition a dorénavant remplacé la sève originelle. Si vous êtes à la traîne, si vous ne gagnez pas, on vous remplace, aussi brutalement qu’un coup de poignard dans le dos. On ne vous apprend pas à perdre, voire même à souffrir moralement, vous devez apprendre par vous-même. Physiquement vous souffrez, mais le sport de haut niveau est doublement difficile car la tête est encore plus meurtrie. On est lancé comme ça, dans le grand bain, sans défense. Quand on est en pleine adolescence, qu’on approche de la majorité, tout devient compliqué, car tout commence à prendre un sens. Vous n’êtes plus cet enfant qui ne réfléchit qu’à sa simple course de ski le week-end et file suivre l’école obligatoire. A cette période, le chemin est tracé, normal et facile. C’est vers 16 ans que ça se corse. Je me suis retrouvé démuni, la tête prise dans un tourbillon de pensées. On se fait gentiment aspirer quand on passe au niveau supérieur. Vous jouez le jeu ou vous dégagez. Le sport de haut niveau ne vous laisse pas une fraction de seconde pour réfléchir. Foncez, jeunes intrépides, quitte à vous briser les ailes !