Leurs talents architecturaux (documentaire)
Cabédita 2022
Voici un livre passionnant qui est le fruit des recherches d’un ingénieur agronome et docteur ès science, né à Avenches et auteur de nombreux ouvrages en lien avec la nature, l’écologie, la biologie et le comportement animal. Dans ce livre donc, plus d’une soixantaine d’exemples de constructions chez les insectes, les invertébrés, les oiseaux et les mammifères sont présentés avec les dessins très réussis de l’auteur à l’appui, permettant ainsi une vision plus concrète des qualités d’architecte de chaque espèce.
Il y a d’abord le chapitre sur les insectes et les fourmis ainsi que les multiples formes que peuvent prendre leur construction, en forme de dôme (aiguilles de sapin), des nids en terre et en pulpe de bois, les fourmis tisserandes, les termitières en Afrique où l'intelligence collective prédomine. L’auteur écrit : « L’insecte ne dirige pas son travail, il est dirigé par lui ». Une reine peut vivre 40 ans, une ouvrière quelques mois.
Puis, il y a les abeilles qui confectionnent un régal depuis plus de dix mille ans : le miel. Ensuite, les guêpes qui ont une grande maîtrise du cartonnage : de la terre mélangée à la salive qui donne un ciment digne des qualités d’un maçon et encore les toiles d’araignées géométriques avec un fil de soie fabriqué de 10 cm par seconde.
Un grand chapitre est consacré aux oiseaux qui sont d’intarissables constructeurs avec une diversité de matériaux utilisés ainsi que de formes de nid. On découvre leurs grandes capacités d’adaptation à leur milieu : utilisation de boue, brindilles, poils pour l’hirondelle de cheminée. Certains oiseaux remettent en état d’anciennes constructions. Le pic tambourine pour marquer son territoire. Les faucons et les chouettes squattent le nid d’autres espèces. Le tisserin (Afrique, Madagascar, Réunion) est nommé bâtisseur de l’extrême : il est capable de construire des nids complexes, esthétiques et résistants avec des lanières. Il tisse, noue afin de fabriquer un hamac pour séduire la femelle. Il y a encore le « nid haute couture » de la fauvette qui assemble des feuilles d’arbres pour se cacher des prédateurs avec 150 points de suture comptés.
Chez les mammifères, il y a l’exemple du castor qui est un infatigable bâtisseur et constructeur de barrages faisant preuve d’une remarquable créativité (couloirs, tunnels, chambres sèches…) : il est qualifié d’ingénieur des écosystèmes ! On a même découvert des barrages-fossiles datant de plus de 125.000 ans au Canada. Les animaux qui occupent des terriers comme la marmotte alpine montre une diversité de créations : des résidences d’été et d’hiver, des couloirs renforcés par du mortier, etc. Le chien de prairie (Mexique, Canada) construit une ventilation efficace du terrier avec des dômes et des cratères. L’ours qui hiberne dans sa tanière garde une température constante et consomme 4000 calories par jour. Il perd 40% de son poids en hiver. Le blaireau quant à lui est un fin constructeur qui abrite des co-locataires (renard, putois, lapin, porc-épic, rat). Le plus vieux réseau de terriers date de 1550 et a été découvert en Angleterre. Il y a encore des mammifères qui fabriquent des abris végétaux comme le sanglier avec un chaudron : la laie s’isole et entasse des branches sur un mètre, le rat des moissons réalise un travail de vannier, le hérisson qui hiberne se cache sous les feuilles et le foin…
Au final, le lecteur est époustouflé par tant d’ingéniosité qui replace l’humain face à ces multiples créations dont il s’inspire et s’inspirera toujours pour ses propres constructions.
Recension Evelyne Rivat Métrailler
Extrait p 58-59
« Dans le dessein de dissocier l’inné de l’acquis, dans une expérience astucieuse, des expérimentateurs firent couver des œufs de tisserins par des canaris (qui leur ressemblent par la taille, mais pas par leur comportement de nidification). Les jeunes tisserins ainsi élevés étaient privés de tout moyen de construire leur propre nid et furent placés dans des nids préfabriqués de canaris. L’expérience se poursuivit pendant quatre générations. La dernière génération fut placée dans son milieu naturel. A l’époque de la nidification, ces jeunes construisirent un nid typique de tisserin (comportement inné), sans jamais avoir pu développer cette compétence par l’apprentissage et l’imitation de leurs parents. Certes, ces oiseaux étaient moins habiles que les tisserins témoins. Ils étaient en effet plus lents, moins soigneux, mais leur travail s’améliora par l’expérience et l’observation des autres congénères plus habiles qu’eux (comportement acquis). Cela signifie que le choix de matériaux, l’architecture et la technique de construction du nid sont innés, mais que l’habileté à la construire est une aptitude en partie acquise ».