La Maison au pied du Grand Glacier, Tiffany Jacquet

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Editions Plaisir de Lire, 2022

 

Collection Aujourd’hui

 

Roman

 

Il y a d’abord la couverture du livre qui accroche le regard : un détail d’une magnifique peinture datant de 1913 « Le train en hiver » du Musée des Beaux-Arts à Ottawa. Le lecteur est déjà dans le bain ou plutôt la neige : la locomotive et sa fumée épaisse qui s’imposent au milieu du paysage hivernal bleu et blanc.

 

L’auteure, Tiffany Jacquet propose un roman qui se déroule sur plusieurs époques avec des personnages hauts en couleurs et une aventure humaine au cœur des Montagnes Rocheuses canadiennes. L’héroïne, Hannah, ancrée dans les années 2018 est une jeune Suissesse qui part en vacances à la découverte de ces nouvelles contrées avec une voiture de location. Lors d’une randonnée, elle s’égare en forêt, découvre une vieille louche enfouie dans la terre, gravée des initiales G et H (Glacier House) et s’installe pour la nuit autour d’un feu de camp.

 

Le récit débute alors par un rêve, hanté des spectres de cet hôtel disparu. A partir de là, le lecteur est embarqué dans un récit mêlant l’Histoire, le développement du tourisme de masse, l’inexorable fonte des glaces, une enquête, une quête personnelle et contemporaine.

 

Au travers de portraits truculents, les héros du passé refont surface et rappelle par exemple la dure réalité du travail des immigrés chinois sur les constructions de la ligne transcontinentale (le Chemin de Fer Canadien Pacifique)

 

Extrait page 101  «Plus aucun train ne circulait à cause de la météo. La compagnie avait envoyé des locomotives spéciales, toutes neuves, depuis Vancouver pour dégager la voie. Elles étaient carrées à l’avant et équipées d’une espèce de roue à pales et d’une énorme pelle qui éjectaient la neige. Wu pouvait rester de longues minutes à les observer progresser lentement sur les rails, tels de gros rats noirs rasant le mur blanc. La machine contre la neige, ce combat incessant de l’ingénierie humaine contre la force de la nature.


» De son côté, Jim Yung ne sortait qu’en cas d’extrême nécessité. Il n’avait rien dit à son petit frère pour ne pas l’inquiéter inutilement, mais depuis son accident dans l’avalanche le printemps précédent, sa santé s’était affaiblie.»

 

Par le biais de ces personnages tels que Wu Lin, jeune Chinois ayant suivi son frère au Canada pour poser des rails, Miss Mollison, la gérante autoritaire du Glacier House, l’aventurière américaine Mary Vaux, spécialiste en biologie, géologie, botanique ainsi qu’Edward Feuz, un guide bernois ayant émigré au Canada, Hannah la contemporaine essaie de dénouer le fil de ces destins particuliers. En compagnie de Florian, un jeune globetrotteur agaçant et mystérieux avec lequel un jeu du chat et de la souris s’installe, Hannah emmène le lecteur vers un récit plein de suspens.

 

Extrait Page 176 : « - OK, récapitulons. On a monsieur Lin qui a travaillé à la construction de la ligne transcontinentale…- Miss Mollison qui était tenancière pour le CFCP. Et Mary Vaux qui faisait partie des fidèles clients…- Et chacune des personnes qui te sont apparues en rêve semble liée d’une manière ou d’une autre au Glacier House. – Oui, c’est ça ! Il ne me manque plus qu’à découvrir comment un guide alpin suisse s’est retrouvé dans l’histoire. – Pour ça, j’ai une petite idée, susurre Florian. Passe-moi ton smartphone. »

 

Le roman nous révèle également tout un pan de l’histoire de l’ouest canadien avec de nombreuses anecdotes historiques. Page 192 : « Florian lui raconte que le lac Louise tient son nom de la quatrième fille de la reine Victoria, qui a épousé l’ancien Gouverneur Général du Canada. Elle a également donné son troisième prénom, Alberta, à la province. »
Et faisant écho aux références historiques, le sujet actuel du réchauffement climatique est aussi largement évoqué.

 

Page 173 : « La jeune femme vide sa deuxième tasse de café d’un trait. Elle avait été choquée d’apprendre que le glacier Illecillewaet avait déjà commencé à fondre au tournant du XXe siècle. Hannah pensait qu’il s’agissait d’un problème contemporain. A l’école, elle avait appris que la banquise fondait à cause du réchauffement climatique. Jamais, elle n’aurait imaginé que le phénomène datait de plus d’un siècle ! »
Un dépaysement complet, des descriptions réalistes et de l’aventure au fil des pages.

 

Recension Evelyne Rivat Métrailler